Le numérique commence à prendre le dessus sur le papier
C’est un tournant pour la presse. Comme si le tabou de la gratuité sur le Web était en train de tomber, les abonnements aux éditions numériques de journaux anglo-saxons deviennent substantiels. Chez certains, les recettes générées par la vente de contenus commencent aussi à l’emporter sur les revenus publicitaires. Deux points d’inflexion qui risquent de remodeler le paysage de la presse en ligne.
Le quotidien britannique Financial Times a déjà gagné sur ces deux tableaux. À la fin de l’année, le journal référent de la City comptera plus d’abonnés à ses éditions numériques que de ventes d’exemplaires papier. C’est le pronostic fait par Rob Grimshaw, directeur de FT.com, lors de l’Internet Week New York mi-mai. Le quotidien économique est aujourd’hui diffusé à 310 000 exemplaires, pour 270 000 abonnés numériques. La bascule s’est déjà faite sur le marché américain, en 2011. Le point d’inflexion sera atteint globalement grâce à l’essor du mobile. Chaque semaine, le Financial Times recrute 15 à 20 % de ses nouveaux abonnés à travers ce canal. Pour Rob Grimshaw, il sera même le principal canal de distribution de l’information dans trois à quatre ans.
En 2012, le Financial Times devrait aussi voir la part du chiffre d’affaires généré par les ventes de contenus l’emporter sur la publicité. « Au final, nous disposons d’une activité qui est fondamentalement plus stable, plus prévisible, ce qui facilite les décisions d’investissement à long terme », avait résumé Rob Grimshaw, lors de la conférence « News on the move » en mars dernier.
Marge de progrès
À l’instar du Financial Times, le quotidien américain The New York Times assiste lui aussi aux premières victoires du numérique sur le papier. De septembre 2011 à mars 2012, la diffusion des éditions numériques du New York Times a dépassé 807 000 exemplaires quotidiens, selon l’Audit Bureau of Circulations, l’équivalent américain de l’OJD. Sur la même période, le journal papier s’est vendu à près de 780 000 exemplaires par jour. L’ensemble de la diffusion du New York Times a ainsi progressé de 73 % par rapport à l’année précédente. « Ces gains peuvent être largement attribués à la popularité des offres d’abonnements numériques proposés par le Times » , a indiqué le groupe de presse dans un communiqué. Par ailleurs, il estime que le couplage systématique de l’offre papier avec un accès numérique permet de limiter l’érosion des ventes du papier.
Mais la marge de progression est considérable sur l’ensemble du secteur : les éditions numériques représentent 14,2 % de la diffusion globale des journaux américains, selon l’ABC, contre 8,7 % en 2011. Confortés par les résultats de ces géants, un nombre croissant d’éditeurs de presse américains explorent des formules payantes sur le numérique. Dernier en date, le Chicago Tribune envisagerait des formules d’abonnement pour certaines rubriques de son site. Son concurrent local, le Chicago SunTimes, a introduit un abonnement mensuel de 6,99 dollars pour une offre numérique en décembre. Le groupe McClatchy (Miami Herald, Kansas City Star…) va lancer des tests dans quelques villes avant de dresser le calendrier d’un lancement général d’abonnements numériques. En février, le groupe Gannett avait fait basculer 80 titres. À la fin de l’année, 20 % des 1 400 quotidiens américains pourraient ainsi avoir fait le pari du numérique payant.
Source : LeFigaro, édition du lundi 4 juin.